vendredi 28 novembre 2008

Epouses et concubines







Ce roman a été publié en 1987. C'est l'un des premiers romans de l'auteur qui lui apporta énormément de succès autant en Chine qu'à l'étranger. L'action se situe dans les années 1910-1920 et raconte la vie de Songlian, une jeune étudiante de 19 ans. A cause des difficultés financières de la famille elle devra interrompre ses études. Peu de temps après son père est retrouvé mort, il s'est suicidé au puits de la famille. Deux choix s'offraient alors à elle, se marier ou travailler. Elle choisira le mariage c'est pourquoi elle deviendra la quatrième épouse de Chen Zuoqian, après Yuru, Zhuoyun et Meishan.

Su Tong met en scène ici les rapports hiérarchiques que l'on peut trouver dans la Chine des années 1920 dans une sorte de huis clos familial. L'histoire se concentre sur Songlian et sa vie dans cette nouvelle famille. On peut observer, notamment, les différences de rang des épouses; De ce fait tous les honneurs seront attribués à Yuru, la première épouse, ainsi qu'à leurs enfants. Mais Songlian s'adapte difficilement à cette situation. Il y a sans cesse un devoir de séduction envers le maître pour sentir qu'elle a une place dans la maison. C'est également le cas des autres épouses. Par conséquent les quatre femmes de Chen Zuoqian deviennent des rivales quant à l'attention qu'il peut leur porter. Elles ne s'aiment pas, chacune cherche à rabaisser l'autre en permanence. Cela fait partie du jeu, du combat pour obtenir l'attention et les faveurs du maître. Au départ Songlian pensait pouvoir être en bons termes avec les autres épouses mais elle s'aperçoit vite que c'est impossible. Cependant alors que la troisième épouse, Meishan, était perçue comme la plus dangereuse et la plus mauvaise, c'est elle qui comprend le mieux Songlian et qui sera la plus gentille avec elle, même si la notion de gentillesse peut être assez variable selon les situations.

Le premier fils de Chen Zuoqian et Yuru, la première épouse est en quelque sorte le seul fils légitime du maître, par conséquent il a tous les honneurs. Malgré l'amitié naissante entre ce dernier et Songlian, la jeune fille ne peut être totalement heureuse dans cet univers fait de rivalités, mensonges et séductions. Un univers où du jour au lendemain elle peut passer du rang de favorite à celui de simple femme de la maison à qui le maître ne fera plus attention, à qui il ne rendra plus visite le soir. Au fur et à mesure, Songlian se forgera donc un monde à elle, où sa mélancolie et son goût pour la boisson se développeront.

Près des appartements de Songlian se trouve le jardin, d'où une atmosphère mystérieuse se dégage. Elle est obsédée par le puits au fond du jardin, au fond duquel elle voit des corps de femmes et d'où elle entend des sons mystérieux. On découvrira plus tard que ce puits sert de tombe aux épouses déchues de la génération précédent, celles ayant pris un amant. Meishan, dont on découvrira la liaison avec un autre homme à la fin du roman, sera elle aussi condamnées au même sort que les précédentes épouses des ancêtres de Chen Zuoqian. Songlian sera témoin de la scène ce qui la plongera davantage dans un état de folie qu'elle ne pourra plus quitter.



Épouses et concubines parle de rivalité, de séduction, de manipulation et de la différence justement entre être épouse et être concubine. L'histoire se concentre donc sur Songlian, tout est de son point de vue, ses impressions. On apprend plus précisément la vie que menaient ces secondes épouses, ces concubines. Elles cherchent sans arrêt à séduire le maître, pour pouvoir être l'espace d'un moment la femme la plus importante, la maîtresse de la maison, jusqu'à ce que le maître se lasse et aille voir une autre de ses épouses. Ce doit être une vie dure à supporter moralement, de devoir sans arrêt se battre pour avoir une place importante dans une maison, de devoir s'opposer à d'autres pour s'imposer, ou pour pouvoir simplement exister.

Bien que l'on ne peut totalement se fier à roman du point de vue de la vérité historique des faits, ce livre était très intéressant et instructif sur les us et coutumes chinoises. En effet, l'auteur nous donne un petit aperçue des règles de convenances qui pouvaient régir une maison dans les années 1920. Par exemple, on apprend que c'est la nouvelle épouse qui doit faire le premier pas vers les premières épouses et que c'est le fils de Chen Zuoqian qui doit venir rendre ses hommages à Songlian, et non Songlian qui doit aller le voir en premier. On peut également voir que les apparences sont d'une grande importance. En effet Songlian n'est pas du tout reconnue comme la nouvelle épouse à son arrivée de par ses vêtements et sa fatigue due au voyage. Les servantes se moquent même d'elle. J'ai aimé que le livre suive uniquement Songlian, on peut ainsi être plus proche d'elle et de ce qu'elle ressent. Bien qu'elle ne soit pas le narrateur de l'histoire, nous n'avons accès qu'à ses propres pensées. Les actions sont envisagées de son point de vue et elle partage ses pensées avec le lecteur, qui devient son confident.

Songlian semble avoir un destin assez tragique, on sait dès le départ qu'elle n'aura pas une vie facile dans ce nouvel univers. De plus ce sentiment est amplifié dans la mesure où nous voyons son état se dégrader tout au long du roman.

Épouses et concubines a été adapté au cinéma en 1991 par Zhang Yimou. Le film connut un très grand succès à travers le monde et met notamment en scène Gong Li, l'épouse du réalisateur, qui a récemment été vu dans Mémoires d'une geisha et La Cité interdite.



dimanche 23 novembre 2008

[Nouvelle] Acte I

La neige transporte mes idées noires dans un tourbillon immaculé, une blancheur pure qui rétablira, peut être, ma tranquillité. Je me noie dans l'amertume, la rancœur et l'envie ; rien n'est assez bon pour ce cœur brisé.

Ma vie n'est faite que de plaines étendues où le vent reste libre et sans contraintes, où je me tiens solitaire. Je peine à trouver mon équilibre dans cet étourdissement de son, de paysage et de lumière. Je reste envoutée par le chant de la mer qui s'étend sous mes yeux, cette mélodie, brutale, que je ne peux oublier, que mon esprit ne peut mettre de côté.

Lovée dans une étoffe, je tente de garder le peu de chaleur que mon corps daigne renvoyer. Je tente de me protéger des épines glacées qui blessent sans détour. Comment la Nature, aussi belle, peut-elle être si féroce? Elle s'insinue au travers de la maille, comme une sournoise complice. La peur s'empare de moi, la solitude étouffe mes pas et me prive de choix.

J'aspire à une rencontre qui m'éloignera de ce vaste tombeau, ce tombeau qui me gèle, qui me paralyse. J'aspire à te retrouver, à me libérer.



(à suivre)