JIN Yi était un jeune historien chinois quand il rencontra He Rong Er, une ancienne dame de cour de l'impératrice douairière Cixi devenue femme de ménage quand sa carrière au palais eut été terminée. Bien que vivant recluse et très pudique, He Rong Er se confia à JIN Yi, ces deux personnes devenant amies au cours du temps. Le jeune homme, l'auteur-transcripteur, a ainsi recueilli les souvenirs de la vieille dame de cour et a constitué ces mémoires, qui forment un témoignage authentique de la vie à la Cité Interdite au début du XXè siècle.
Ces mémoires sont divisées en quatre parties. Tout d'abord, les généralités de La vie des femmes de cour, puis La vie quotidienne de l'impératrice douairière Cixi, Le petit et le grand remplissage des greniers qui relate la vie au palais d'Eté, et enfin La vie de He Rong Er avec l'eunuque Liu, une partie malheureusement très courte. La préface commence par une citation forte, et importante, de l'héroïne, « Je suis tombée du ciel. Seulement, au lieu de mettre pied à terre, j'ai atterri directement dans les latrines », pour résumer sa vie.
La vie d'une femme de cour n'est pas de tout repos, même si servir l'impératrice peut être gratifiant. He Rong Er est entrée au service du palais à l'âge de treize ans. Traditionnellement les jeunes filles choisies ne quittent jamais le palais jusqu'à leur vingt-cinq ans âge auquel elles sont renvoyées dans leurs familles pour être mariées. Sauf pour l'héroïne, qui a pu déroger à la règle. Son rôle auprès de l'impératrice? La servir à fumer. D'un point de vue plus général, les dames de cour, ou les eunuques d'ailleurs, devaient être efficaces sans prononcer un mot. La moindre erreur se payait cher et ils devaient être rigoureux.
J'ai été captivée par ce récit. Même si ces mémoires ont été transcrites par JIN Yi et ensuite traduites du chinois, une intimité entre cette femme et le lecteur s'installe. Par ailleurs, les mystères entourant la vie à l'intérieur de la Cité Interdite ont toujours fasciné, sinon titillé la curiosité des occidentaux. Ce livre permet de lever un léger voile sur les-dits mystères. On en apprend plus (même si on s'en doutait) sur le protocole établi autour de l'impératrice ou de l'empereur. Ce qui est assez surprenant, c'est le décalage entre Orient et Occident à l'aube du XXè siècle. Une lecture simplement fascinante.
Deux extraits :
« L'entrée au palais des Beautés
L'été de mes 13 ans, à la veille de la fête de Mai, Nei Wu Fu, le ministère de l'Intérieur, envoya un agent chez moi, annonçant à mes parents que j'avais été choisie. Avant d'entrer au palais, on m'avait appris les règles fondamentales de la cour. Un matin, mes parents m'accompagnèrent à la cour, puis, vers midi, me ramenèrent à la maison. J'ai compris par la suite que cela faisait partie de la stratégie du ministère de l'Intérieur: petit à petit, nous nous accoutumions au palais, nous oubliions la maison, et la séparation avec le milieu familial devenait moins douloureuse. Quelques jours plus tard, mes parents et mes frères sortirent de la maison et me laissèrent seule. Un palanquin vint me chercher et me conduisit devant Sheng Wu Meng, la porte des Dieux de la Guerre. Nous étions une trentaine. Avec trois autres filles de mon âge, je fus conduite par de vieux eunuques à Xu Xiu Gong, le palais des Beautés. Nous dûmes nous agenouiller devant l'impératrice douairière, dans le palais où elle dormait. Dès cet instant, nous étions dames de cour du palais des Beautés. » p.33.
« Deux choses me semblaient extraordinaires dans le palais : la première est qu'il n'y avait pas une seule cheminée dans ces milliers de maisons. On avait peur des incendies. On ne pouvait utiliser que du charbon de bois. Tout le palais était construit au-dessus d'immenses sous-sols, tout comme les maisons ont aujourd'hui des caves. En hiver, les eunuques mettaient du charbon de bois dans de grosses charrettes en fer et les poussaient jusque dans le sous-sol. Ils allumaient un feu qui réchauffait toutes les maisons. Ceux qui vivaient en haut avaient l'impression d'être sur des lits de brique réchauffés. La deuxième était qu'il n'y avait pas de toilettes dans le palais. Les eunuques déposaient des cendres de charbon de bois dans des seaux. Lorsqu'il s'agissait de « grands besoins », on utilisait des pots couverts de charbon. Les cendres de charbon empêchaient les mauvaises odeurs de se répandre dans le palais. Lorsque l'impératrice appelait la « maison des mandarins », on comprenait qu'elle voulait répondre à ses besoins naturels. Les Mandchous appelaient les pots de chambre des familles nobles les « maisons des mandarins ».» p.86
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